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J'habite à Stosswihr
J’habite à Stosswihr, et pour acheter mon pain,
Je descends à Munster, mon panier à la main;
Si je croise des gens de Soultzeren au marché,
Je leur lance un salut plein de complicité:
« Ah ! Nous, les habitants de la Petite Vallée !... »
Si d’aventure à Colmar mes affaires m’amènent
Et que j’y rencontre une jolie Wihr-au-valienne,
Sans timidité je l’invite à prendre un verre,
Et lui dis, sans complexe et sans faire de manières :
« Ah ! Nous autres, qui venons d’la Vallée de Munster !... »
Quand je vais à Strasbourg, cette ville que j’aime,
Souvent accompagné de mon pote d’Ensisheim,
Nous sommes fiers tous les deux de venir d’un peu loin
Et chantons, soit en français, soit en alsacien :
« Ah ! Nous, les Alsaciens du Sud, ceux du Haut-Rhin !... »
En visite à Paris, sur le pont de l’Alma,
Il n’est pas rare de voir des dames de Sélestat ;
Alors moi, je les hèle et leur rends toute grâce,
Je m’exclame, m’ébaudis et leur dis avec classe :
« Ah ! Nous les habitants du beau pays d’Alsace !... »
A Varsovie un jour, au bord de la Vistule,
Par pur hasard je croise un Limousin de Tulle ;
Nous nous félicitons d’avoir eu tant de chance
Et nous jurons soutien, entraide et assistance :
« Ah ! », disons-nous, « Nous venons tous les deux de France ! »
En voyage à Londres, sur la place de Trafalgar,
Arrivent quelquefois des gens de Gibraltar;
Je les aborde sans crainte et leur dis gentiment,
Sans qu’ils ne s’en offusquent, et sans ressentiment :
« Ah ! Nous autres qui habitons sur le Continent !... »
A Pyongyang, en Corée, tous les hôtels débordent
Car de l’Ouest sans cesse, les touristes déferlent en hordes :
Ecossais, Ukrainiens, Islandais, Italiens.
Je les accueille en frères et je leur tends la main :
« Ah ! », leur dis-je en joie, « Nous autres, les Européens !... »
En camion sur les routes de la Patagonie,
Je prends en stop un couple venant de Mongolie.
Ils avaient tant marché depuis Oulan-Bator
Que je leur propose de les conduire jusqu’au port :
« Ah ! C’est l’entraide, entre gens de l’Hémisphère Nord !... »
En vacances sur Saturne, au camping de l’Anneau,
J’ai pour voisins de tente un Peul et un Aïno.
Nous passons nos soirées à regarder en l’air,
Et regrettons parfois le bon temps de naguère :
« Ah ! », soupirons-nous, « Nous, de la planète Terre !... »
Sur la plus proche des planètes d’Alpha du Centaure,
Dans la mégalopole bâtie sur son pôle Nord,
Un anthropoïde, au fond d’un bouge, cuve sa bière.
A sa peau verte, je sais qu’il est de Jupiter :
« Ah ! », lui murmuré-je, « Nous autres du Système Solaire !... »
Faisant un tour dans la galaxie d’Andromède,
Si loin de mes amis, qui me viendra en aide ?
Là, vit une famille exilée de Persée ;
Je me rapproche d’eux et leur dis, tout troublé :
« Ah ! Nous autres originaires de la Voie Lactée !... »
UFF - 2011
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